Aujourd’hui, je vous partage ce conte que j’ai écrit à la fin de l’automne, suite à un rêve que j’ai fait…

Illustration créée par ArtBeat by Marie.

Il était une fois un jeune garçon plein d’idées et de rêves nommé Pierre. Un jour, son père qui était menuisier, trouva une vieille guitare toute abimée dans la rue. Il emporta dans son atelier et la rafistola afin de l’offrir à son jeune fils.

Pour Pierre, ce présent fut une révélation. Dès lors, il passa le plus clair de son temps à tenter d’apprivoiser cet instrument mystérieux. Le son qui en sortait l’envoûtait, le toucher des cordes lui permettait de s’évader. Rapidement, le jeune garçon parvint à jouer de très belles mélodies qu’il inventait mais il était conscient des limites de ce vieil instrument cabossé. Intérieurement, il formula alors le rêve de créer un instrument fabuleux, doté des bois les plus précieux et de la facture la plus élaborée.

Un jour, il se présenta devant son père et lui annonça qu’il voulait devenir luthier et commencer un apprentissage au plus vite. Ce dernier fut un peu déçu que son fils ne reprenne pas l’entreprise familiale mais il se consola bien vite en constatant que l’amour du bois était resté dans les gènes.

Ainsi, il chercha dans toute la ville le meilleur luthier qui existait, rencontra cet illustre artiste et le pria de prendre son fils comme apprenti. Le vieil homme accepta car il sentait qu’avec l’âge, ses gestes devenaient moins sûrs et qu’il lui faudrait bientôt un successeur.

C’est ainsi que Pierre commença son apprentissage. Au bout de trois longues années à observer et assister le vieux luthier, il put enfin créer son premier instrument. Son maitre l’avait autorisé à récupérer quelques chutes de bois inutilisées afin de s’entrainer. Cette première guitare était loin d’être parfaite. Le mélange des bois était stupéfiant et les finitions n’étaient pas encore très soignées, mais elle sonnait beaucoup mieux que sa vieille compagne rafistolée et il en était très fier.

Pendant quelques années, il continua à se perfectionner auprès du talentueux luthier puis, lorsque vint l’heure de sa retraite, il reprit son atelier. Entre temps, il avait rencontré la fille du vieil homme, en était tombé amoureux et l’avait épousée. Ils vivaient très modestement grâce aux réparations faites par l’artisan et à quelques commandes d’instruments.

A l’occasion de chaque événement familial, Pierre s’autorisait à créer pour lui-même une nouvelle guitare. Il revendait la précédente afin d’acheter un peu de bois et cherchait comment l’améliorer. Il n’était jamais pleinement satisfait, mais chaque version était de plus en plus perfectionnée et le son qui en sortait lorsqu’il faisait chanter les cordes était de plus en plus harmonieux.

La naissance de ses trois enfants, à plusieurs années d’intervalle, donna vie à trois guitares différentes, pleines de couleurs et de dynamisme.

Petit à petit, les musiciens entendirent parler de cet artisan qui avait réussi l’exploit d’atteindre le niveau de son prédécesseur et Pierre reçut de plus en plus de commandes.

Dans la force de l’âge, à la naissance de son premier petit-fils, le luthier désormais célèbre réussit à économiser assez d’argent pour acheter un bois précieux dont il rêvait depuis bien longtemps. Dans cette noble matière première, il façonna un instrument d’une rare qualité. Sa sonorité, à la fois perlée et puissante, hypnotisait les gens qui l’entendaient. Le bois était magnifique, le vernis étincelant. La guitare entière rayonnait. Et quand Pierre la prenait entre ses mains, la famille entière pleurait d’émotion devant tant de beauté.

La nouvelle de la création de cette perle rare fit le tour de la ville et les musiciens ou les collectionneurs ne tardèrent pas à accourir à l’atelier du luthier pour lui acheter. Tous tentèrent de surenchérir pour pouvoir s’approprier la fameuse guitare, et proposèrent des sommes astronomiques. Pierre fut catégorique. Il ne la vendrait pas.

L’entendant égrener quelques notes sur l’objet tant convoité, son fils aîné lui demanda : « Père, voyons, pourquoi ne vends-tu pas cet instrument ? Tu pourrais acheter une belle maison, prendre ta retraite et vivre confortablement. »

Pierre termina son air tranquillement puis regarda son fils avec tendresse : « Non mon fils, je ne la vendrai pas. Cette guitare est ton héritage. Elle te reviendra un jour. Tu en feras ce que tu veux, mais j’aimerais qu’elle soit le symbole de cette leçon : si tu crois en tes rêves, que tu les visualises très fort et que tu te bats avec persévérance et résilience pour qu’ils se réalisent, ils se réaliseront. Cette guitare, j’en ai rêvé du haut de mes dix ans, et la voici, témoin de ma réussite et de mon succès. »

Emu, le fils se jura de ne jamais vendre cette guitare afin de transmettre cette belle leçon de vie à sa descendance, une leçon qui somme toute, était la plus belle des richesses.

Hélène Ibarra